S-forms sculptées par l'eau
CONTROVERSE DE L'ÈRE GLACIAIRE : LES S-FORMS
Les s-forms ont-elles été sculptées par les eaux sous-glaciaires ou par l’action abrasive des glaciers? La question est facile à répondre. Il s’agit de lire toutes les publications sur le sujet. Les eaux sous-glaciaires en sont clairement la cause et nous pourrions même affirmer qu’il n’y a là aucune controverse et même aucun débat. En effet toutes les publications des dernières décennies travaillent à l’option de l’eau sous-glaciaire. C’est la seule issue qui donne des réponses tangibles. Les observations sur le terrain corroborent avec les expériences de laboratoires, les crues soudaines, les jökulhlaup et le tsunami de 2004. Une démarche scientifique est légitimée lorsque qu’un va et viens perdure entre la théorie physique, l’expérimentation et l’observation des évènements modernes.
Deux événements contemporains ont confirmée que les s-forms (sichelwannen, spindle flute, muschelbruch) sont sculptés par les catastrophiques hydrauliques :
• Déluge de Katherine Gorge en Australie (Baker et Pickup, 1987)
• Le tsunami de 2004 (Bryant, 2014)
Et pourtant il y a encore beaucoup de professeur dans les facultés qui persistent à insinuer le contraire. Ils se réfèrent à de vieux articles des années 50 tout en oblitérant la littérature moderne. Pour se donner une allure scientifique le prof n’a qu’à évoquer brièvement les options possibles. De leur côté, les ingénieurs en hydrodynamique qualifient cette attitude de bornée. Les notions d’écoulements turbulents et les vortex expliquent bien tous les types de s-forms dans leurs moindres détails. Comment un dogmatisme académique puisse-t-il persister ? Réponse simple : L’aspect troublant des s-forms est leur omniprésence sur les territoires couverts par les inlandsis. Partout où le socle rocheux affleure on retrouve ces s-forms. Cette ubiquité suggère que de grandes quantités d’eau déferlèrent à grand débit sous les inlandsis. Si on accepte que les s-forme sont d’origine hydro-catastrophique, il n’a qu’un pas à faire pour pour expliquer la genèse des mystérieux drumlins puisque ces deux morphologies sont étroitement associées. De surcroît, plusieurs caractéristiques propres aux drumlins ne sont pas sans similitude avec ceux des s-forms.
Dans la perspective de la théorie des eaux sous-glaciers, voici une animation 3D de ces processus se déroulant sous l'inlandsis :
Un glaciologue peut stipuler que les s-forms pourraient avoir plusieurs origines (polygéniques). Mais jusqu’ici, ceux qui soutiennent que les anciens s-forms ont été sculptés pas l’action abrasive des glaciers n’ont produit aucune expérience de laboratoire, aucune observation contemporaine et aucun modèle physique/mathématique. En bref, ils n’ont produit aucune publication scientifique a part leurs descriptions de s-forms observés sur les terrains des anciens inlandsis.
Avec une approche polygénique, un glaciologue se donne le droit d’insinuer que la plupart des s-forms de l’ère glaciaire furent le résultat de l’abrasion glaciaire. Il ne réalize pas que cela impose une abbération de sa logique à savoir que la nature puisse creuser à l'aide de vortex des formes tout à fait identiques. A mon avis, les tenants d’une telle position sont le plus souvent ignorants des publications en faveur de l’origine hydrodynamique des s-forms.
Avant d’aller plus loin sur la lecture de cette page je vous invite à regarder cette courte vidéo de 9 minutes afin d’éveiller votre intuition.
LES DIFFÉRENTS S-FORMS
Omis la cavitation et les coups de bélier (water hammer), l’eau comme telle n’a pas de pouvoir abrasive si ne n’est des particules de sable et gravier qu’elle transporte. En milieu sous-glaciaire l’eau est surchargée en particules. A haut débit l’écoulement devient turbulent puisque le moindre obstacle génère des vortex ou tourbillons. Inévitablement des vortex et de la cavitation se combine multipliant colossalement la puissance érosive de l’eau.
Ces vortex se dissipent naturellement mais avant de s’éteindre peuvent percuter le rock creusant des s-forms pendant un bref moment :
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Lorsqu’un vortex percute le roc obliquement il s’évase latéralement, ce qui excave un muschelbruch, soit une cavité en forme de moule.
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Si le vortex frôle le socle avec un angle plus faible un spindle flute apparaitra.
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Lorsque le vortex est dévié latéralement par une surface oblique une forme de virgule se creusera, en anglais comma.
Si un vortex perdure parallèlement à la surface rocheuse il peut creuser un long sillon appelé cavetto, forme qui évoque une moulure concave dites cavetto en architecture.
À French River on observe des cavettos géants en surplomb comme celui-ci de 2 m de haut et 15 de long :
Comment un courant d’eau déclenche l’apparition de vortex ?
1- La simple présence d’un obstacle
2- Une remonté de la topographie du terrain
Lorsque le courant remonte subitement une pente il se produit un roulement perpendiculaire aux lignes de courant. Ce vortex se courbera vers l’aval et creusera un sichelwanne (en allemand, cavité en faucille).
Les sichelwannen semblent indépendant de tout obstacle ponctuel. Nous le savons grâce aux observations de terrain comme à French River (lire Kor & al,1991). En effet les sichelwannen s’organisent disposés en échelon ou dit en quinconce. On décrit ce genre d’aire comme une sorte de hiérarchie de s-forms. Ces champs de s-forms peuvent couvrir une superficie de plusieurs milliers de mètres carrés. On dira qu’ils se sont auto organisés (self-organized). On voit bien que le socle rocheux est assez homogène dépourvu d’obstacles ponctuels contrairement à Cantley au Québec.
Cette animation reprend la vidéo précédente (de 2:14 à 2:42) pour montrer le développement de ce processus. Un courant monte une rampe et engendre des vortex. En hydrodynamique, c'est une transverse.
Comme ces formes d'érosions n'ont jamais été filmées il est encore difficile de connaître leur développement.
Une hiérarchie de s-forms a été reproduit en laboratoire en faisant couler une eau légèrement acide sur un socle homogène constitué d’un plâtre de Paris. Comme cette expérience n'avait pas été filmée, les détails du développement des s-forms demeurent inconnus. Geodoxa et ses partenaires projettent de reproduire l'expérience en filmant le processus avec une coloration des vortex.
Expérience faite sur un socle de plâtre de Paris sous une eau légèrement acide dont le nombre de Reynolds = 1.10 x 10^4. Muschelbruch : m ; Sichelwannen : s ; Crête (ridge) : r ; Spindle flute : sp ; Sillon latéral (lateral furrow) : lf. Écoulement vers le bas de l'image.
DES REBORDS AFFILÉS
Les s-forms sont souvent limités par des rebords affilés. Seuls les vortex d’un fluide (l’eau ou l’air…) peuvent sculpter ce genre d’arêtes vives. La déformation plastique de la glace poncera le socle rocheux avec des coins arrondies à moins que le roc éclate sous l’action du gel et du dégel comme dans le versant avale des roches moutonnées.
Dans tous les cas, les bords affûtés des sillons reflètent l'érosion simultanée du lit environnant par le flux primaire et par l’abrasion des vortex secondaires (Richardson and Carling, 2005).
Slides show
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Sichelwannen avec rebords affûtées. Photo par John Shaw.
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Mega marque d'obstacle à Cantley.
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Obs = obstacle ; les tirets rouges indiquent les crêtes affilées par les vortex.
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Congères se neige aux des crêtes affûtées.
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Dunes de sable aux des crêtes affûtées.
Les s-forms sont souvent limités par des rebords affilés. Seuls les vortex d’un fluide (l’eau ou l’air…) peuvent sculpter ce genre d’arêtes vives. La déformation plastique de la glace poncera le socle rocheux avec des coins essentiellement arrondies. En étudiant le socle de rivières soumis à des déluges, Richardson and Carling (2005) ont élucidé le principe suivant : Dans tous les cas, les bords affutés des sillons reflètent l'érosion simultanée du lit environnant par le courant principale alors que cette même surface subit les abrasions ponctuelles des vortex secondaires. Le vent érode de la même manière dans la neige ou le sable.
LES FORMES D’OBSTACLE : L’EXEMPLE DE CANTLEY, QUEBEC
Les formes d’obstacle sont des types de s-forms sculptées lorsqu’un courant d’eau rapide rencontre un obstacle. Le vortex créé se divisera en deux bras creusant des sillons en avant et de part et d’autre de l’obstacle. Les sillons en forme de fer à cheval témoignent de la forme du vortex lors de l’érosion.
Cantley, au Québec, est un exemple connu mondialement. Avant de lire la suite nous vous proposons ce petit vidéo de 11 minutes :
Cette vidéo a été présentée à la conférence CANQUA / AMQUA 2018 à Ottawa afin de péparer l’auditoire pour une visite sur le site exceptionnel de Cantley, au Québec. La visite sur le terrain a été dirigée par David R. Sharpe de la Commission géologique du Canada et la vidéo préparée par Geodoxa
À Cantley, le socle rocheux est composé d’un marbre parsemé d’une multitude d’inclusions volcaniques de toutes les tailles allant du millimètre à quelques mètre de diamètres. Ces inclusions sont composées d’une roche intrusive volcanique beaucoup plus dure que le marbre qui l’encaisse. Lors du déluge sous-glaciaire ces inclusions ont mieux résisté que le marbre.
Ces durs obstacles ont ralenti l’érosion du marbre sur le versant avale en sauvegardant une crête.
Ces crêtes ressemblent à des queues de comète et portent différents noms selon leur forme : rat tail (queue de rat), hairpin (épingle à cheveux) …
Les rat tails ont aussi été reproduits en laboratoire sur du plâtre de Paris incrusté de particule de fer par l’érosion d’une eau légèrement acide (nombre de Reynolds = 1.10 x 10^4). Écoulement de droite à gauche. On remarquera les sillons creusés sur front de l'obstacle.
En avant de chaque obstacle apparaitra un sillon frontal (front furrow en anglais) en raison d’un vortex refoulé. Ce sillon frontal s’observe
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Dans les expériences de laboratoire
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À toutes les échelles sur le roc de Cantley
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Dans la neige ou le sable sculpté par le vent autour d’obstacles
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Sur le front amont des fameux drumlins.
En aucun cas l'abrasion par la glace ne pourrait engendrer des sillons frontaux.
Les grandes marques d’obstacles de Cantley sont tout aussi bien creusées en cavettos sur des murs verticaux avec des rebords en surplomb.
Deux inclusions volcaniques ont résisté à l’érosion d’un fort courant d'eau. Écoulement vers la gauche.
Représentation des vortex contournant deux obstacles/inclusions.
Vue de la gauche du surplomb formé par le cavetto. La glace ne peut éroder ainsi.
Deux inclusions volcaniques ont résisté à l’érosion d’un fort courant d'eau. Écoulement vers la gauche.
REFERENCES
Allen, J. R. L., 1982, Sedimentary structures: their character and physical basis, Volume 2, New York, Elsevier Scientific Publishing Co., p. 253-291.
Baker V. R. and Pickup Q., 1987, Flood geomorphology of the Katherine Gorge, Northern Territory, Australia: Geological Society or America Bulletin, v. 98, p. 635-646.
Bryant E., 2014, Signatures of Tsunami in the Coastal Landscape. In: Tsunami, pp 35-61, Springer, Cham
Kor, P. S. G., Shaw, J. and Sharpe, D. R. (1991). Erosion of bedrock by subglacial meltwater, Georgian Bay, Ontario: a regional view. Canadian Journal of Earth Sciences, 28, 623–642. En pdf >>
Richardson, K., and Carling, P.A., 2005. A Typology of Sculpted Forms in Open Bedrock Channels. Special Paper 392. Geological Society of America, Boulder Colorado, 108 pp.
Sharpe, D.R. and Shaw, J. (1989). Erosion of bedrock by subglacial meltwater, Cantley, Quebec. Geological Society of America Bulletin, 101, 1011–1020. En pdf >>