LA TECTONIQUE DES PLAQUES
UN DÉBAT ENCORE OUVERT
LA THÉORIE DE LA TECTONIQUE DES PLAQUES :
UN DÉBAT ENCORE OUVERT
Depuis les années 60, la théorie de la tectonique des plaques (disons TTP pour ce document) semblait devenir la clé pour comprendre tous les aspects de l’histoire de la terre. Aujourd’hui elle est enseignée comme une vérité sûre par la plupart des facultés des sciences de la terre à travers le monde. Elle s’est enracinée dans une conscience collective puisqu’elle semble répondre à toutes les questions. Depuis 1990, j’encourage mes collègues géologues à scruter les défaillances de cette théorie en lisant des articles comme ceux publiés par New Concepts in Global Tectonics. Rares sont mes collègues qui s’y sont attardés. Parfois c’est par manque de temps mais, le plus souvent ils évoquent le consensus de milliers de géoscientifiques à travers le monde qui adhèrent sans conteste à la TTP. Au final, la plupart me donneront le prétexte pour s'excuser d'une telle investigation. Lors de recherches dans son champ de compétence, un géologue peut s’exposer à des données contradictoires avec la TTP. Il n'en tient qu’à lui de vérifier si les autres champs de connaissances voisins présentent aussi de tels paradoxes. Avouons que cela lui demanderait du temps supplémentaire. Cette page web a justement pour but d’aider tous ceux qui voudraient entreprendre une telle investigation de façon concise. Les enseignants et les amateurs devraient aussi y trouver des réponses. S’il y a des points ambigus n’hésitez pas à me faire connaitre vos questions et commentaires. Vous m’aiderez ainsi à améliorer cette page web.
Je préfère vous avertir qu’à la fin de cette lecture vous serez déçus de constater que les détracteurs n’offrent pas de théorie globale pour remplacer la TTP. Ce triste processus risque de nous ramener à une époque où les géologues avaient plus de questions que de réponses.
UN GIGANTESQUE PUZZLE
Depuis longtemps (de 1857 à 1965), géographes et géologues émettaient l’idée que ces pièces du casse-tête, les continents, s’étaient désassemblées dans un lointain passé. Nous sommes surtout familiarisés avec cette illustration omniprésente dans nos manuels scolaires.
Cette image est la reproduction d’une reconstitution faite par Bullard, Everett et Smith en 1965. Bullard et ses collègues furent les premiers à utiliser une projection par méthode mathématique. Cependant ils ont choisi des marges continentales (surface submergée) qui convenaient au meilleur collage apparent. Pour se faire, ils ont oblitéré une grande partie de l’Amérique Centrale. Sur un globe en 3D, on constatera que l’extrémité sud de l’Amérique du Sud ne se joint pas au sud de l’Afrique. Peu de gens remarquent que la dimension de l’Afrique a été considérablement réduite pour l’esthétique du ‘fit’. Cette aberration fut maintes fois évoquée dans les publications scientifiques. Pour palier à cette incongruité, d’autres experts ont tenté différentes fermetures du puzzle mais sans le résultat espéré. Finalement ce collage trompeur a quand même trouvé sa place dans nos manuels scolaires.
Juste pour nous situer dans un contexte historique depuis 1858, voyez les reconstitutions de ce qu’on appelle la Pangée ou de sa partie sud, le Gondwana :
Antonio Snider Pellegrini en 1858
En 1912, Alfred Wegener publie une reconstitution qu'il nommera Pangäa en 1920.
Reconstruction de la Pangée par Boris Choubert (1935).
Antonio Snider Pellegrini en 1858
Dès les années 60, les pionniers de la TTP connaissaient un élément fort intriguant relatif à ce puzzle. L’enjeu est de rapprocher l’Afrique, les deux Amériques et l’Europe pour ne refermer l’Atlantique qu’à moitié. On voit apparaître un gap océanique dont les littoraux ouest et est sont parfaitement parallèles du Pôle Nord au Pôle Sud. Une autre surprise se révèle à nos yeux : La dorsale océanique est centrée au milieu du grand gap de l’Islande jusqu’à l’extrémité sud de l’Atlantique. Comment une telle corrélation aurait pu tomber dans l’oubli ? Geodoxa vous présente ses illustrations tirées d’une sphère 3D :
Cette configuration donne l’impression qu’une partie des croûtes des continents est manquante. Nous aurions pu passer sous silence cette singularité de notre planète s'il n'y avait eu la publication de la Carte des Anomalies Magnétiques du Monde (Korhonen, J.V. et al., 2007) :
Les signaux magnétiques typiques à la croûte des continents (le Sial) se prolongent sur plusieurs milliers de km loin de la marge continentale. La carte semble indiquer qu’une grande partie des océans serait une croûte continentale amincie et/ou engloutie au niveau de la croûte océanique (le Sima). Le Sima donne un signal magnétique plus intense en raison des proportions élevées de magnésium et de fer. Nous reviendrons plus loin sur la distinction entre ces deux types de croûtes.
Logiquement et légitimement, nous pouvons reconfigurer une dérive en tenant compte des continents dits submergés comme l’a fait James (2010). Dans ce modèle le déplacement des continents est deux fois moindre. On remarquera que la fermeture est étonnamment précise. Nous invitons nos lecteurs à naviguer par allers-retours sur cette série d’images :
James (2010) développe une analyse détaillée de cette carte et remet en question plusieurs aprioris de la TTP concernant les fonds océaniques. Les protagonistes de la TTP peuvent toujours évoquer que cette supposée apparence de continent submergé ne soit qu’une croûte océanique donnant un signal magnétique anormal encore inexpliqué. Mais nous soulignerons que trois autres données viennent confirmer l’abondance de croûte continentale au fond des océans :
LES ZONES DE FRACTURE OCEANIQUE VS LA GEOLOGIE CONTINENTALE
Selon la TTP, les fractures océaniques seraient l’empreinte de la fabrication du plancher océanique lors d’un processus que nous appelons l’expansion océanique, appelée aussi modèle du tapis roulant. Dans ce modèle il est impératif d’assumer les points suivants :
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La Pangée se serait morcelée à la fin du Trias et au début du Juras.
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Dès ce moment, le fond de l’Atlantique s’est fabriqué par le refroidissement de laves (gabbro, basalte…) successives qui sont plus jeunes que le Trias (moins de 200 millions d’années).
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La croûte continentale, d’âge précambrienne, est nettement plus vielle que le plancher de l’Atlantique.
Ces 3 postulats requièrent qu’il n’y ait aucune relation entre les anciennes structures continentales et celles du fond océanique. Les continents ne porteraient que les jeunes cicatrices du morcellement de la Pangée et les fractures océaniques ne pourraient être plus vielles que la limite Trias/Juras. Si c’est le cas, il serait impossible de trouver des fractures océaniques se prolongeant avec les très anciens linéaments du précambrien continental. Au désarroi de la TTP, de telles prolongations existent bien.
REFERENCES :
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